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Sous la plume d’Emmanuel Tresmontant on lisait ceci dans Paris-Match le 3 février 2016
Face au suicide de Benoît Violier, le plus grand chef français de ces 10 dernières années, même ceux qui ne le connaissaient pas personnellement ont été choqués, comme si une montagne s’effondrait, comme si nos représentations les plus sûres de ce que doit être la vie et le bonheur s’étaient soudain évaporées ! La force tranquille, la rigueur, le bon sens, l’humour, la gloire, la reconnaissance, le bonheur familial, l’amitié, les honneurs… Tout cela, balayé en quelques secondes, dans le silence d’une maison du Canton de Vaud, en Suisse, le dernier dimanche de janvier 2016, pendant que sa femme et son fils se rendaient à un déjeuner, chez des amis, où il était attendu. Et où il ne se rendra pas.
Né à Saintes en 1971, Benoît Violier était le dernier d’une famille de 7 enfants. Sa mère Monique était un cordon bleu. Son père Fernand était vigneron de cognac et dresseur de chiens, «un homme du dehors» comme disait Benoît, qui l’initia très tôt «aux mystère et aux grandeurs de la nature». Ainsi, c’est avec lui que, tout enfant, Benoît apprit à observer les bécasses et les perdrix, à dénicher les lièvres et les cerfs. Il avait un sens profond de la famille, de l’amitié, de la nature, que son père lui avait appris à aimer. «Mon père m’a appris le silence, l’écoute, le respect de la vie. Il m’a mené sur le chemin que j’ai choisi de suivre dans ma vie», écrit-il dans son monumental livre, paru avant Noël, «La cuisine du gibier à plume d’Europe» (éditions Favre). Ce père vénéré est mort en avril 2015 à l’âge de 86 ans. Trois mois après, en juillet, disparaissait son «autre père» et mentor, le grand cuisinier Philippe Rochat, dont il avait pris la succession au printemps 2012, après avoir grandi dans son ombre, depuis 1996. Qui peut dire quel impact ces deux disparitions successives ont pu avoir sur la psychologie de Benoît, devenu, du jour au lendemain, «orphelin» ? L’horloger Jean-Claude Biver, qui le connaissait intimement depuis 20 ans, demeure sceptique et assure n’avoir jamais détecté la moindre faille au cours de ces derniers mois : «La nature le ressourçait. Il y trouvait son équilibre. Il partait chasser plusieurs semaines de suite avec son fidèle chien Mac Queen et revenait en pleine santé, fort, équilibré. Je ne crois pas un seul instant que la mort simultanée de son père naturel et de Philippe Rochat, la même année, ait pu le déstabiliser au point de le plonger dans la dépression. Car perdre un père, c’est dans l’ordre naturel des choses, Benoît le savait. Et il était assez fort pour surmonter cette épreuve.»